BARA Manon
16 rue Simonis
1050 BRUXELLES
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baramanon@hotmail.fr
Manon Bara fait de la peinture, ce qui ne veut pas forcément dire produire des tableaux. Parce que sa pratique picturale ne s’embarrasse pas trop de la qualité des supports, parce qu’elle est sans limite, compulsive, gloutonne, chargée d’un désir trop grand pour se laisser contenir.
La meilleure peinture est donc celle d’aujourd’hui, qui se fait, qui déborde, encore humide, qui tâche et colle aux doigts. C’est un miel dans lequel seraient confits Jésus et Michaël Jackson, quelques dinosaures, une kyrielle de petits chats, des truands et des Johnny… Icônes populaires traitées sans condescendance, cuisinées avec le respect et la dévotion qu’impliquent les pratiques cannibales.
En conséquence, l’univers de Manon Bara lui fait corps : tout y passe et d’abord elle-même. Autoportraits et textes rythment une pratique dont la fraicheur et les outrances excitent et percutent le regard, rechargent d’excès bienvenus les (dés) enchantements expressionnistes et pop qui charpentent son univers.
Le plus remarquable, c’est que ce dernier ne s’appuie pas sur la citation et le commentaire. La question ne porte pas sur le « populaire » en tant qu’image ou symbole, comme « vu d’en haut » par de trop nombreux.ses artistes, pas plus qu’il ne repose sur la vaine tentative de déhiérarchiser les goûts et les formes d’expression. S’il y a effectivement appropriation, cela tient plus d’un usage pratique de l’ethos populaire que de la mise en scène d’artefacts identifiés comme kitchs, pauvres ou vulgaires. Pour le dire autrement, c’est habitée de pensées magiques et de fatalisme, d’un sens aigu de la misère ou du plaisir présents que Manon Bara peint, quitte à enfreindre les règles implicites qu’imposent ailleurs le médium et le style contemporain.
On trouve chez l’artiste une multitude d’objets, d’images, de sculpture, d’impressions – chaque éléments d’exposition est investis, souvent démultiplié, sans que ne se pose la question de la rareté, de la noblesse, de stratégies suggestives et de joies différées. C’est entier, généreux, gargantuesque. Mais cette prodigalité ne se fait jamais au détriment de la peinture. Il y a chez Manon Bara un sens de la couleur et de la composition qui déborde la question des signes et de la figuration. Une efficacité du geste qui lui permet d’user de narration et d’anecdotes, sans que ne se perdent en cours de route les enjeux proprement picturaux. Elle pourrait littéralement peindre n’importe quoi, mais jamais aveuglément: jusqu’aux moindres détails, tout est toujours incarnés. Le miroitement des laques industrielles, la monumentalité ou la petitesse des formats, la radicalité du geste, la densité des traits…tout concoure à rendre en gravures, dessins et peintures, l’allégresse et l’amertume, la violence, les rêves, la fête et les regrets, les chiens et les gens…dans ce qu’ils ont de plus beau et cruel, à deux doigts du naufrage qu’ils se promettent, forts du bonheur déjà conquis.
Benoît Dusart.